La régulation médiatique des élections : L’exemple du Haut Conseil de l’Audiovisuel du Sénégal

Les instances de régulation de la démocratie s’inscrivent dans la perspective d’une plus grande rationalisation des organes impliqués dans la dévolution et la gestion du pouvoir politique. Elles visent à réguler la démocratie en impliquant davantage les citoyens à l’exercice du pouvoir et en coupant le cordon ombilical qui plaçait directement certaines institutions et acteurs du jeu démocratique sous la coupole du pouvoir politique. Les médias et les partis politiques, champs privilégiés de ces institutions

La régulation médiatique des élections : L’exemple du Haut Conseil de l’Audiovisuel du Sénégal

EL HADJ MBODJ Professeur à la faculté de droit de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar 

Ancien Médiateur du président de la République du Sénégal

Membre de l’ONEL et du Haut Conseil de l’Audiovisuel Directeur de l’Institut des Droits de l’Homme


Actes de la troisième réunion préparatoire au symposium de Bamako : Les élections (Paris, avril 2000)

 

Les instances de régulation de la démocratie s’inscrivent dans la perspective d’une plus grande rationalisation des organes impliqués dans la dévolution et la gestion du pouvoir politique. Elles visent à réguler la démocratie en impliquant davantage les citoyens à l’exercice du pouvoir et en coupant le cordon ombilical qui plaçait directement certaines institutions et acteurs du jeu démocratique sous la coupole du pouvoir politique. Les médias et les partis politiques, champs privilégiés de ces institutions nouvelles, sont en effet de moins en moins soumis à un contrôle vertical autoritaire du pouvoir politique et de plus en plus à un contrôle horizontal souple exercé par les organes de régulation des médias ou des élections qui ont accompagné le processus de démocratisation des États africains. Ces instances sont venues enrichir le décor institutionnel et politique des régimes africains nés de la troisième vague de démocratisation. Elles se démarquent des institutions et organes d’expression du pouvoir d’État hérités de la tradition libérale. En effet, ces institutions nouvelles s’intègrent difficilement dans la typologie classique des pouvoirs dans la mesure où elles peuvent assumer des missions ressortissant à la fois du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. C’est ainsi, dans son combat pour le maintien du statut quo, à savoir la gestion des élections par l’Administration, le Parti Socialiste du Sénégal en était arrivé à considérer la commission électorale nationale indépendante (CENI) comme » un monstre juridique » dans la mesure où elle est investie de pouvoirs de formulation de règles générales et particulières, d’administration du processus électoral et de gestion des contentieux nés des élections. En d’autres termes, les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire s’incrustent dans un même organe qui serait omnipotent.

 

Au-delà des considérations stratégiques, la mission primordiale manifestement assignée à ces instances est de réconcilier les structures classiques de l’État (administration et pouvoir judiciaire) avec les acteurs du jeu démocratique par la restauration de la confiance indispensable au bon fonctionnement des institutions. À travers cette nouvelle ingénierie institutionnelle, les constructeurs cherchent à cultiver une plus grande visibilité et transparence ainsi qu’un large consensus dans les rapports que l’État entretient avec ses partenaires du jeu démocratique. Seulement, à partir du moment où elles remettent en cause l’ordre établi, ces instances vont être confrontées à un véritable problème de légitimation en amont et en aval. Les acteurs, souvent sceptiques, n’hésitent pas à dénoncer l’inertie ou l’action de ces instances qui peuvent être remises en cause du jour au lendemain. En aval, elles perturbent la routine des structures étatiques classiques qui les considèrent souvent comme des usurpateurs ou, tout au moins, comme des « intrus » qui rognent les prérogatives de souveraineté de l’État dont elles seraient les légitimes dépositaires.

 

Au demeurant, les contours de la régulation ne sont pas circonscrits avec rigueur. Considérée comme un « processus par lequel le comportement d’un système perçu complexe est maintenu ou ajusté » en conformité à quelques règles ou normes ( ), la régulation est au centre de toute activité sociale à partir du moment où elle vise à normaliser le fonctionnement d’un système ou d’une activité par la prévention des irrégularités ou des dysfonctionnements, l’arbitrage des différends et la sécurisation de l’ordre juridique. Aussi, peut-elle comporter plusieurs volets : 

- un volet juridique habilitant ces organes à veiller au respect des lois et règlements régissant l’activité considérée et, le cas échéant, à sanctionner ou faire sanctionner les infractions à la législation en vigueur ;

- un volet arbitral : ces organes sont situés à équidistance des différents acteurs impliqués dans la dynamique de la conquête et de l’exercice du pouvoir politique. L’arbitrage, dans ces conditions, est un arbitrage actif dès lors que l’arbitre peut siffler les coups francs, rétablir un équilibre rompu et imposer le respect des règles du jeu aux différentes parties ;

un volet pédagogique : ces organes n’ont pas vocation à se substituer aux organes classiques chargés de faire respecter la loi. Ils ne font pas double emploi avec ceux-ci. Au contraire, ils cherchent à normaliser les rapports entre les acteurs du jeu médiatique ou électoral par la socialisation des valeurs démocratiques fondées sur la justice, l’équité, l’éthique et la morale. Ils apparaissent comme des autorités morales, de » bons pères de famille » en quelque sorte cherchant sans répit à ajuster les comportements aux valeurs républicaines par la persuasion et non la contrainte.

 

Ces instances ne sont pas structurées toutes de la même manière dans la mesure où l’environnement politique dans lequel elles évoluent peut affecter leur nature juridique ainsi que les prérogatives qui leur sont reconnues. Au regard de l’évolution des régimes politiques africains, il peut être relevé que ces instances sont mieux réceptionnées et acclimatées par les nouveaux régimes politiques nés des conférences nationales ou des révolutions. En effet, ces régimes construits à partir d’un néant démocratique sont plus réceptifs aux innovations institutionnelles que les régimes disposant d’un socle démocratique. Aussi, ces instances sont-elles le plus souvent constitutionnalisées dans les démocraties nées des conférences nationales consacrant une rupture avec l’ordre antérieur alors que dans les régimes reposant sur une certaine continuité institutionnelle, elles sont ravalées tout au plus au rang législatif - ou même réglementaire - avec des pouvoirs réduits à une portion congrue. Enfin dans les nouvelles démocraties le choix des membres de ces instances n’est pas l’apanage exclusif d’une autorité donnée. Les membres sont élus ou nommés par plusieurs autorités alors qu’au Sénégal, un exemple de continuité, ils sont tous nommés par le Président de la République. Seulement l’expérience montre que la performance d’une institution dépend davantage de la qualité de ses animateurs que de la structuration normative. Ainsi, le Haut Conseil de l’Audiovisuel du Sénégal, s’est-il acquitté avec bonheur de sa mission de régulation médiatique des élections.

 

I.- DE L’ÉGAL ACCÈS DES PARTIS POLITIQUES AUX MÉDIAS PUBLICS À LA RÉGULATION MÉDIATIQUE

 

Le Haut Conseil de l’Audiovisuel, instituée par la loi n° 98-09 du 2 mars 1998, n’est pas le résultat d’une rupture de l’ordre institutionnel, mais l’aboutissement d’un long processus de maturation de la régulation médiatique au Sénégal. Alors que les acteurs politiques - principalement les partis politiques de l’opposition - se préoccupaient essentiellement de la question de l’accès des partis politiques aux médias publics garanti par un organisme indépendant du ministère chargé des médiats, le combat syndical pour asseoir une meilleure protection d’une presse plurielle va amener les gouvernants à jeter les bases d’une structure de régulation qui embrasse tous les médias audiovisuels, quel que soit leur statut.

 

A.- L’accès des partis politiques aux médias publics

 

Le HCA est né des cendres du Haut Conseil de la Radio Télévision (HCRT) qui est né d’une revendication du syndicat unique des professionnels de l’information et de la communication (SYNPICS) et des partis politiques qui s’insurgeaient contre le monopole que le parti au pouvoir, par l’entremise de l’État qu’il contrôle, exerce sur les organes de communication sociale et l’ostracisme qui frappait les partis d’opposition.

 

Au départ, la structure avait une base réglementaire car le HCRT avait été institué par le décret n°91-537 du 25 mai 1991 portant création du Haut Conseil de la Radio Télévision et relatif au respect du pluralisme par le service public de la radio-télévision dont l’art. 1 pose le principe de l’accès des partis politiques légalement constitués aux antennes du service public de la radio-télévision pour la diffusion d’émission de propagande politique, pour la retransmission des débats parlementaires et dans le cadre d’une information générale pluraliste. Un Haut Conseil de la RadioTélévision est désormais chargé par l’art.2 du décret pertinent de veiller au respect des garanties instituées pour l’accès des partis politiques aux médias audiovisuels publics, ainsi qu’au respect des règles du pluralisme dans le traitement de l’information. Les difficultés de fonctionnement inhérentes à toute structure collégiale devaient amener le président de la République à réformer en profondeur l’institution qui est désormais dotée d’une base légale octroyée par la loi n° 92-57 du 3 septembre 1992 relative au pluralisme à la radio-télévision. L’art.1 abroge et remplace l’art.5 de la loi relative aux partis politiques modifiée par la loi du 12 octobre 1989. Il instaure un temps d’antenne égal à la radio télévision pour les partis politiques légalement constitués. Dans le cadre des émissions hebdomadaires qui leur sont réservées, ces partis peuvent faire connaître leurs options et donner lecture des communiqués adoptés par leurs instances statutaires. La couverture de leurs manifestations statutaires et publiques, la diffusion de leurs communiqués de presse et la retransmission des débats parlementaires sont assurées de manière équilibrée par les organes publics d’information. L’appellation du HCRT est en réalité factice. Elle laisse entrevoir une instance de régulation de la radio et de la télévision. Il n’en était rien dans la mesure où cette instance n’était investie d’aucune prérogative qu’elle pouvait exercer à l’endroit de ces médias publics. Le HCRT n’intervenait que pour veiller et garantir l’égal accès des partis politiques aux organes d’information publics. Ses rapports avec le service public de la radio-télévision – la Radio Télévision du Sénégal (RTS)- n’étaient pas des meilleurs car l’organe de communication dont l’Etat est l’unique propriétaire était conscient des limites du premier. La RTS est placés sous l’autorité exclusive de l’État qui nomme ou révoque ses dirigeants. Ces limites étaient accentuées par l’éclosion du paysage médiatique avec le développement des radios privées répugnant à toute tutelle exercée sur elles.

 

B.- L’avènement de la structure de régulation médiatique

 

C’est dans ces conditions que le chef de l’État, à l’occasion de la remise du rapport annuel de l’année 1995 du HCRT, adressa une invite à « une réflexion d’anticipation » devant déboucher sur la création d’une véritable autorité de régulation des médias audiovisuels au Sénégal. La loi n° 98-09 du 2 mars 1998 institue un Haut Conseil de l’Audiovisuel qui est une « autorité indépendante » (art.1) dont la juridiction s’étend à tous les médias audiovisuels quel que soit leur statut juridique. L’instance nouvelle de régulation des médias est chargée de garantir l’indépendance et la liberté de l’information et de la communication dans les médias audiovisuels, de veiller à l’objectivité et au respect de l’équilibre dans le traitement de l’information, de l’accès équitable des partis politiques aux médias d’État, de fixer les règles concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions réglementées des médias audiovisuels lors des campagnes électorales et de favoriser et promouvoir la libre et saine concurrence entre les médias audiovisuels. Cependant, le HCA n’intervient pas dans l’attribution des fréquences ni dans la détermination du cahier des charges applicables aux entités titulaires d’une autorisation de diffuser. Il veille simplement au respect par celles-ci des clauses imposées à ces organes. En période électorale, le HCA se transforme en organe de régulation des médias nationaux publics et privés qui sont soumis à l’impérieuse obligation de garantir l’équilibre dans le traitement médiatique des candidats. Sa compétence est primordiale en matière de gestion de la couverture médiatique de la campagne électorale. Il assume sa mission sous le contrôle de la Cour d’appel et du Conseil d’État.

 

II.- L’ÉTENDUE DE LA RÉGULATION MÉDIATIQUE 

 

Deux niveaux d’exercice des compétences peuvent être dégagés : la gestion de la pré campagne électorale et celle de la campagne électorale proprement dite

 

A.- La gestion de la pré-campagne électorale

 

La pré-campagne est régie par les dispositions de l’art.L.58 du Code électoral. Elle couvre les 30 jours précédant l’ouverture de la campagne électorale. Durant cette période, le législateur interdit formellement toute propagande électorale ayant pour support les médias nationaux (à l’exclusion des médias transnationaux) publics et privés. L’alinéa 2 du même article définit les actes de propagande électorale déguisée comme toute manifestation ou déclaration publique de soutien à un candidat ou à un parti politique ou coalition de partis politiques, faite directement ou indirectement par une personne ou association ou groupement de personnes quelle qu’en soit la qualité, nature ou caractère. Sont également assimilées à des propagandes ou campagnes déguisées, les visites ou tournées à caractère économique, social ou autrement qualifiées, effectuées par toutes autorités de l’État sur le territoire national et qui donnent lieu à de telles manifestations ou déclarations. Le HCA est chargé de veiller à l’application stricte de cette interdiction. Il doit, en cas de contravention, proposer des formes appropriées de réparation au bénéfice de tout candidat, parti ou coalition de partis lésés qui doivent le saisir d’une plainte. En dehors de la réparation, des sanctions pécuniaires, à vrai dire symboliques (amende de 1000 à 10.000 FCFA), peuvent être prononcées par la juridiction répressive.

 

B.- La gestion de la campagne électorale

 

La campagne électorale est ouverte 21 jours avant le scrutin. Elle prend fin la veille du jour du scrutin. C’est une période d’intense communion politique entre les électeurs et les candidats qui sollicitent leurs voix. En raison de sa sensibilité, des dispositions spéciales ont été adoptées en vue de mieux garantir le respect du principe de l’égalité des électeurs devant le suffrage. Le HCA est le maître d’oeuvre de la campagne électorale dont la couverture médiatique se fait sous sa supervision et son contrôle. Avant l’ouverture de la campagne, l’organe de régulation des médias soumet à la signature du président de la République un projet de décret déterminant le nombre, la durée et les horaires ainsi que les modalités de leur réalisation (art. LO 123 et 178). Le HCA veille avant tout à ce que la couverture médiatique des candidats ou des partis se déroule dans le respect du principe constitutionnel d’égalité des candidats dans l’utilisation des temps d’antenne. Le temps d’antenne alloué aux candidats à l’élection présidentielle est égalitaire alors qu’il est proportionnel lorsqu’il s’agit des élections législatives où il est divisé en deux fractions : une première fondée sur l’égalité arithmétique entre les listes de candidats et une seconde répartie proportionnellement à leur représentation parlementaire aux partis politiques ayant présenté des listes de candidats.

 

Le HCA peut, conformément à l’art. L.123 du CE, s’opposer à la diffusion d’une émission de campagne en cas de contravention aux règles posées par la Constitution, notamment lorsque les propos du candidat révèlent un manquement grave aux obligations qui résultent de la loi fondamentale, singulièrement en ce qui concerne le respect: 

- des caractères de l’État républicain, laïc et démocratique ; 

- des institutions de la République : statut et compétence ; 

- de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et de l’unité nationale ; - et des libertés publiques

 

L’instance de régulation devra alors saisir la Cour d’appel de Dakar dans les 24 heures à compter de la réalisation de l’émission. Cette saisine est suspensive de la diffusion de l’élément incriminé. Si la Cour n’est pas saisie dans le délai ou bien, saisie, ne se prononce pas dans les 48 heures suivant sa saisine, l’émission doit être immédiatement diffusée. Le législateur fait ainsi du HCA un organe chargé de veiller à la légitimité mais aussi à la moralité du discours électoral. En sus de l’émission institutionnelle de campagne, l’organe de régulation veille en outre à ce que le principe d’égalité entre les représentants des listes soit respecté dans les programmes d’information du service public de la radio-télévision en ce qui concerne la reproduction et les commentaires des déclarations, écrits, activités des candidats et la présentation de leur personne (art. LO 125 et 179). En d’autres termes, la liberté de traitement professionnel de l’information des journalistes, conformément à l’éthique et à la déontologie, est préservée à la seule condition que l’égalité soit rigoureusement assurée.

 

III. - LES LIMITES DE LA RÉGULATION MÉDIATIQUE

 

Si les pouvoirs de régulation du HCA sont réels, ils restent néanmoins insuffisants en raison de l’inadéquation des règles et de l’inefficacité des sanctions qu’il peut prononcer.

 

A.- L’inadéquation des règles

 

Le HCA n’est pas investi d’un pouvoir de coercition sur les médias publics. Il n’est pas investi d’un pouvoir de nomination ou de sanction à l’encontre des organes dirigeants des médiats audiovisuels du service public. Ceux-ci peuvent rester sourds aux injonctions du HCA et, intentionnellement ou involontairement, porter atteinte à son autorité et donc à sa crédibilité vis-à-vis des acteurs politiques et de l’opinion. Les réprimandes adressées à la RTS n’étant pas souvent diffusées, l’impression générale se dégage relativement à la convergence des vues de ces deux acteurs de la communication sociale. Le HCA est généralement considéré comme un instrument dressé contre les médias privés.

 

Ces pouvoirs juridiquement limités ne permettent pas au HCA d’asseoir son autorité, notamment sur les médias audiovisuels privés qui, contrairement à la presse écrite, sont soumis à sa juridiction. Or, invoquant la liberté d’expression et d’opinion solennellement proclamée par l’article 8 de la Constitution, ces médias privés sont rebelles à toute injonction ou mise en demeure du HCA et traitent l’information de campagne sans aucune contrainte oubliant la règle constitutionnellement consacrée au Sénégal en vertu de laquelle la liberté de presse s’exerce dans le cadre des lois.

 

La compétence du HCA en matière de régulation des médias audiovisuels privés trouve son fondement dans le cahier des charges applicables aux entités titulaires d’une autorisation de diffuser un programme radiophonique. L’art. 23 de cet instrument énonce que tout média privé qui accepte de traiter de la campagne électorale sera soumis aux mêmes obligations que le service public. Cela veut dire que les médias privés sont tenus de respecter l’égalité de traitement et qu’ils doivent se garder de diffuser des émissions de campagne entrant dans le champ d’interdiction de l’art.L123. Au-delà du cahier des charges, l’article 3 de la loi du 2 mars 1998 confère au HCA le pouvoir de fixer les règles concernant les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions réglementaires des médias audiovisuels, quel que soit leur statut juridique, lors des campagnes électorales et de promouvoir la libre et saine concurrence entre eux.

 

Or, lors des dernières élections législatives de 1998 et présidentielle de 2000, la tension opposant le HCA et les médias privés était à son paroxysme dans la mesure où les derniers avaient refusé la synchronisation avec la RTS pour la diffusion des enregistrements de l’émission institutionnelle de campagne sous le prétexte que le service public bénéficiait d’une subvention de campagne alors que les médias privés étaient tenus de recourir au marché publicitaire qui est aléatoire. En outre, les éléments sonores devant faire l’objet d’une supervision préalable du HCA avant leur diffusion par la RTS, le HCA avait voulu imposer, sans succès, le même régime aux médias privés. De surcroît, alors que pour la RTS la diffusion ne peut intervenir que 24 h après l’enregistrement des éléments sonores après un bon à diffuser délivré par l’instance de régulation des médiats, les radios privées relayaient en direct tous les propos des candidats. Cette liberté de couverture de la campagne par les médias audiovisuels privés était considérée par le HCA comme une concurrence déloyale vis-à-vis du service public de la radio-télévision qui est astreint à des obligations plus contraignantes. Enfin pour éviter des dérapages, le HCA avait sans succès ordonné la suspensions des émissions interactives (téléphonées) portant sur des sujets de campagne ou s’apparentant à des « radios votes ».

 

Toutes ces péripéties amènent des interrogations légitimes sur la pertinence de la régulation normative dans un environnement de pluralisme médiatique. Les outils de la régulation sont obsolètes sinon dépassés car ayant été forgés à un moment de monopole étatique sur les instruments de communication sociale. En effet, le code électoral date de 1992 soit bien avant l’éclosion des radios privées. Il convient de s’interroger sur l’opportunité du maintien des dispositions qui ne sont plus en harmonie avec les circonstances changeantes.

 

B.- L’efficacité relative des pouvoirs de sanction

 

Les pouvoirs de sanction sont tout aussi limités. Le HCA peut faire des observations ou adresser une mise en demeure publique aux contrevenants et, en cas d’inobservation de la mise en demeure, il peut prendre une sanction qui peut être soit un avertissement soit une suspension d’une partie ou de la totalité d’un programme (art.7). En dehors de ces sanctions légères, le HCA ne peut pas sanctionner directement un média qui contrevient aux lois et règlements. Pour les sanctions graves (suspension, retrait) le HCA fait des propositions au ministre en charge des médias qui est investi du pouvoir de décision. Seulement, à travers ses avis trimestriels, le HCA peut infliger des sanctions morales qui ont un aussi grand impact que les sanctions légales. Au demeurant, le credo du HCA est « convaincre plutôt que contraindre ». En d’autres termes, l’instance de régulation des médias privilégie la méthode de gestion consensuelle des questions ressortissant à sa compétence en développant une politique de concertation et d’échanges par des réunions périodiques et officielles ou à travers des contacts informels avec les acteurs proprement dits du jeu politique ou les autorités de gestion de l’espace communicationnel. En définitive, le HCA s’est bien positionné dans le dispositif institutionnel sénégalais de régulation de la démocratie. Son utilité dans le fonctionnement du système démocratique a été positivement appréciée avant et pendant la campagne électorale pour l’élection présidentielle des 27 février et 19 mars 2000. Il reste entendu que l’organe sénégalais de régulation des médias est bien en deçà de nombre de ses homologues africains – en particulier la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la communication (HAAC) du Bénin – qui sont généralement dotés d’une base constitutionnelle et investis de prérogatives de réguler et, le cas échéant, de réprimer les organes de communication sociale qui dévieraient des prescrits constitutionnels et législatifs.